SOCIETE FRANCO-ALGERIENNE DE PSYCHIATRIE

Accueil  Bureau  Adhésion Travaux en Algérie Congrès Annonces Forum
Infos Contact  Journées Algérie  Liens Revue Presse   Congrès Français de Psychiatrie

 

PREMIER CONGRES FRANCO-ALGERIEN DE PSYCHIATRIE

    Auteurs  (suite)

    Ateliers

Auteurs

les auteurs qui suivent interviendront lors du congrès. Vous trouverez ici  une présentation de leurs thèmes de communication.

    Benjamin Stora : "La gangrène et l'oubli. La mémoire de la guerre d'Algérie".

Paris, ed. la Découverte, 1991, 369 p.   

De 1954 à 1962, quelque deux millions de Français ont fait la guerre aux Algériens. Quarante ans après, cette "guerre sans nom" reste une page blanche de l'histoire nationale. Et le refoulement de sa mémoire continue à ronger comme une gangrène les fondements même de la société française. De l'autre côté de la Méditerranée, un refoulement symétrique mine la société algérienne: la négation par l'histoire officielle de pans entiers de la guerre de libération n'est pas pour rien dans la guerre civile qui déchire le pays depuis 1992.

Pour comprendre les causes de cette double occultation, Benjamin Stora tente, dans cet essai, d'éclairer les mécanismes de fabrication de l'oubli, en France comme en Algérie. Il démontre comment ceux-ci se sont mis en place dès la guerre elle-même: du côté français, c'est la négation de l'existence même de la guerre, le refus obstiné de reconnaître la réalité de la torture et des exécutions sommaires ; du côté algérien, c'est la violence de la guerre de la guerre civile secrète qui opposa le FLN et le MNA, ou le massacre en masse des harkis à l'été 1962, perpétré par les ralliés de la vingt-cinquième heure. L'auteur montre également comment les mensonges de la période 1954-1962 seront à leur tour, dans les décennies suivantes, enfouis dans les mémoires par les amnisties ou les non-dits d'une histoire éclatée, telle qu'elle ressort des livres ou des films consacrés à la guerre.

"Benjamin Stora entreprend avec succès d'expliquer les raisons de ce non-dit collectif, son livre inaugure un autre regard sur une page d'histoire surchargée et mal lisible". Laurent Theis, Le Nouvel Observateur

Intervention: France-Algérie : De la mémoire à l'histoire.
Le difficile consensus des mémoires autour de la guerre d'indépendance algérienne, Par Benjamin Stora (Professeur d'histoire du Maghreb à l'INALCO)
Beaucoup de choses ont été dites et écrites en Algérie et en France, entre 1999 et 2002, sur la question des enjeux de mémoire autour de la guerre d'Algérie. Parmi cette véritable explosion mémorielle, marqué par une série de publications d'articles de presse et de livres de témoignages, il y eut le vote à l'Assemblée Nationale française, d'une proposition de loi visant à la reconnaissance du terme de " guerre " pour qualifier les évènements advenus en Algérie entre 1954 et 1962. De nombreuses polémiques lui ont fait suite, dont le point culminant fut sans doute la parution du livre du général Aussaresses, qui a déclaré avoir assassiné des leaders du nationalisme algérien. En Algérie, une violente polémique a éclaté à l'été 2002 à propos des conditions de l'assassinat en 1957 d'Abane Ramdane, un important dirigeant du FLN tué par ses compagnons d'armes. Dans la seule année 2001, de nouveaux lieux de mémoire en France attachés à la guerre d'Algérie sont apparus : la plaque apposée sur le pont Saint-Michel à la mémoire des victimes algériennes de la manifestation du 17 octobre 1961, une stèle a été inauguré en plein centre de Paris par Jacques Chirac, le président de la République, à la mémoire des 25 000 soldats français morts en Algérie. En Algérie, le président Abdelaziz Bouteflika a décidé de donner des noms de dirigeant, longtemps mis au secret de l'histoire officielle, à des aéroports algériens (Messali Hadj, Mohamed Khider, Mohamed Boudiaf). Il n'est plus possible d'aborder aujourd'hui la question des enjeux de mémoire en termes d'occultation comme je l'avais fait en 1991 dans mon ouvrage La gangrène et l'oubli . Quelles sont les nouvelles problématiques concernant le rapport de la mémoire à l'histoire ? Quelles sont les nouvelles formes de mise en mémoire, et d'écriture de l'histoire autour de la guerre d'indépendance en Algérie, en France ? Et pourquoi est-il si difficile de construire un consensus mémoriel autour de cette séquence brûlante entre les deux pays, la France et l'Algérie?

     Claire Mauss-Copeaux : "Appelés en Algérie. La parole confisquée."

Hachette Littératures, 1998.

Déchirés entre l'impossible oubli et la mémoire impossible de cette "guerre sans nom", les récits des appelés de la guerre d'Algérie ont été longtemps retenus. Composés à partir de leurs témoignage, ce livre est une contribution majeure à l'histoire de la guerre : comment les appelés d'Algérie ont-ils vécu ce conflit. les dilemmes moraux de la guerre? Comment voyaient-ils l'armée de métier ou les Algériens?

Claire Mauss-Copeaux, agrégée d'histoire, est chercheur au CNRS à Lyon et au GREMMO (Groupe de Recherches et d'Etudes sur la Méditerranée et le Moyen-Orient).

Intervention: "Souffrance, mémoires et histoire d'Algérie". Les récits les plus anciens de l'histoire de l'humanité font de la guerre l'événement par excellence et décrivent longuement la souffrance de quelques héros exemplaires choisis parmi les combattants. En Occident, en France aussi, l'histoire-bataille, les "grands" événements, bénéficient de la faveur des historiens mais leur approche n'est pas un sujet à part entière.

Dans un premier temps je m'attacherai à préciser les obstacles culturels, sociaux et politiques qui se sont opposés et s'opposent encore à l'évocation et à la prise en compte de la souffrance des combattants. J'évaluerai ensuite les informations que les vétérans donnent sur la violence de la guerre, sur les sentiments qu'ils ont éprouvés ou éprouvent encore aujourd'hui. L'analyse des différentes situations d'énonciation, du discours lui-même avec ses oublis et ses occultations me permettra de compléter et d'affiner, pour reprendre l'expression de G. Dumézil, ces "Heurs et malheurs du guerrier". 

Pour conclure, je m'interrogerai sur les implications de ce travail de deuil partagé où interviennent à la fois la mémoire et l'histoire ainsi que sur les enjeux de la reconnaissance (instrumentalisation de la souffrance et victimisation des combattants)

    Louis Crocq : "Les traumatismes psychiques de guerre."

Editions Odile Jacob

Sursauts, angoisse, souvenirs obsédants, visions hallucinées, cauchemars, repli sur soi : tels sont les principaux symptômes dont souffrent tous ceux qui ont vécu l'enfer de la guerre.

Pour les combattants comme pour les civils se pose la question : peut-on oublier? peut-on guérir des violences psychiques de la guerre? Et comment? Parvenir à parler authentiquement de cette indicible expérience , n'est-ce pas l'unique solution permettant de l'assumer pleinement et de trouver, enfin, l'apaisement?

Louis Crocq a été psychiatre des armées, professeur associé de psychologie à l'université PARIS-V et président de la section militaire de l'Association mondiale de psychiatrie. Il a fondé le réseau de cellules d'urgence médico-psychologique qui, dans toute la France et à l'étranger, dispense les premiers soins aux victimes d'attentats, de catastrophe, de guerres.

Intitulé de son intervention : "La fausse mémoire et le syndrome de répétition."

Editions Eres

Marie-Odile Godard, Maître de Conférences à l’Université de Picardie - Jules Verne

Le XXe siècle a été marqué par les génocides et les guerres. Pour survivre et reprendre pied dans leur vie, les rescapés de ces drames collectifs ont dû mener un combat solitaire, souvent inconscient, dont les rêves sont les témoins et les symptômes. Des années plus tard, ils revivent à travers leurs cauchemars ce qu'ils ont parfois réussi à oublier le jour. Leurs nuits demeurent à jamais marquées du sceau du malheur.

Après un état des lieux des recherches sur le rêve, Marie-Odile Godard nous propose une étude psychanalytique de ces rêves traumatiques, sur lesquels personne, depuis Freud, ne s'était vraiment penché. Pour en comprendre le sens et les fondements, elle a choisi de donner la parole aux survivants de la Shoah, du génocide des Tutsi au Rwanda, et aux anciens appelés de la guerre d'Algérie.

Parce que le survivant est seul face au cauchemar, introduire un tiers dans cette configuration peut l'empêcher de tomber dans la folie, la colère ou le désespoir, soutient l'auteur qui s'appuie sur sa riche expérience clinique. La mise en récit de cette souffrance est une étape vitale ; elle révèle, pour tous les traumatisés de guerre et de génocide, l'existence d'un fond d'horreur, à la fois individuel et collectif, qui gangrène l'appareil psychique. Ces récits nous concernent tous car ils mettent en évidence les conséquences des situations sociales extrêmes sur l'univers intime des sujets.

Marie-Odile Godard est psychologue, psychanalyste, maître de conférences à l'université Jules Verne de Picardie. Elle a effectué une dizaine de missions au Rwanda pour le Secours populaire français et une recherche pour la Fondation de France sur la déstructuration des liens dans les situations de crise. Elle a collaboré à la réalisation du film d'Anne Lainé, Rwanda, un cri d'un silence inouï. Elle intervient au Cambodge avec Enfants réfugiés du monde pour la création d'un " volet psy ". En France, elle a mené ses recherches avec des rescapés d'Auschwitz et d'anciens appelés de la guerre d'algérie.

 

    Maïssa Bey : "Entendez-vous dans les montagnes..."

Editions de l'Aube, éditions Barzakh, 2002

Un train aujourd'hui, quelque part en France.... La narratrice est plongée dans un livre, dont la lecture va permettre un déclic : elle retrouve là le souvenir de son père tombé sous la torture en 57... Le récit de Maïssa Bey - il lui aura fallu deux ans pour traduire en mots cette part muette de sa vie - est splendide dans sa sobriété, la force de son évocation et l'absence inouïe de haine. Une leçon magistrale, qui la confirme dans son rôle d'écrivain et met en avant son souci constant d'humanité.

Entendez-vous dans les montagnes... est un témoignage poignant que l'écrivain s'emploie à faire part aux lecteurs. Il s'agit d'une partie de sa vie, de son histoire, de l'histoire de son pays, celle de sa terre d'accueil aussi. Une parcelle de mémoire cachée, refoulée, enfouie dans les ténèbres du silence et des non-dits. Sur une soixantaine de pages, des sentiments de peur, de déchirement, d'espoir, de nostalgie... se confondent, s'entremêlent pour donner naissance à un émouvant récit-témoignage. Une écriture que l'auteur a voulu détacher de ses charnelles émotions de haine ou de jugement. 

Liberté, 23 octobre 2002

Maïsa Bey, née en 1950 au sud d'Alger, est mère de quatre enfants et travaille à l'Éducation Nationale dans l'Ouest Algérien. Elle a déjà publié Au commencement était la mer, (Marsa, 1996), Nouvelles d'Algérie (Grasset, 1998 - Grand prix de la Société des gens de lettres) et Cette fille-là en 2001 aux éditions de l'Aube, couronné par le prix Marguerite-Audoux.

Intervention :"Les cicatrices de l'histoire":

Mon intervention portera sur la difficulté de mettre en mots une scène que l'on n'a pas vécue mais qui est fondamentale dans la mémoire et l'imaginaire. Ci-joint un passage de ce texte : 

"J'ai longtemps, très longtemps hésité avant d'écrire, non pas sur la guerre, mais sur ce qui m'apparaît à moi comme un questionnement fondamental : le bouleversement profond, total, irrémédiable et irrémissible que représente une guerre dans la vie de ceux qui la font, qui la subissent (directement ou indirectement) et qui en portent à jamais les séquelles, séquelles qui ne s'effacent pas avec un cessez-le-feu ou des traités ou des accords de paix. J'ai longtemps hésité parce que je ne voulais pas, qu'à l'instar de beaucoup d'écrivains de mon pays ou d'ailleurs, mon travail d'écriture soit centré sur la déploration et/ou la célébration d'un passé forcément glorieux élevé au rang de mythe qui détermine tout le devenir des générations suivantes. Et c'est peut-être plus cela qui m'a poussée à revenir sur une part de mon histoire que le désir de ne plus différer le moment de la confrontation. Il y a aussi bien entendu un cheminement individuel, une quête qui ne peut aboutir que si l'on prend le temps de rassembler tous les fragments qui constituent notre propre histoire.

Besoin de commémoration – au sens de "se souvenir ensemble", d'associer le lecteur au souvenir – besoin d'élucidation, d'évocation d'une histoire qui ne serait pas falsifiée ou déformée par la mémoire, par la mémoire des autres, par la mienne aussi. Parce que lorsqu'on veut convoquer les souvenirs, surtout lorsqu'il s'agit de souvenirs d'enfance, on s'aperçoit souvent qu'on a tendance à confondre ce que d'autres nous ont raconté avec ce que nous avons vraiment vécu. La prégnance des images surajoutées fait souvent obstacle à la restitution. Et c'est alors qu'intervient l'imaginaire.

Approcher le plus possible, par la re-création, d'instants que l'on n'a pas vécus. Mais qui ont forgé tout notre être, toute notre conscience du monde. Des images fantasmées d'une scène "engrammée" que je n'hésite pas à qualifier de scène primitive. C'est cela que j'ai tenté de faire dans mon dernier livre: "Entendez vous dans les montagnes". Une sorte de reconstitution au sens policier du terme. "

    Alice Cherki : "Frantz Fanon Portrait."

Éditions du Seuil, 2000.

L'itinéraire de Frantz Fanon, né antillais, mort algérien, et son témoignage de psychiatre, d'écrivain, de penseur politiquement engagé reviennent éclairer les désordres et les violences d'aujourd'hui. Fanon est mort à 36 ans, à un âge où souvent une vie d'homme ne fait que commencer. mais toutes ses mises en garde aux pays colonisés en voie d'indépendance se sont révélées prophétiques. De même ses réflexions sur la folie, le racisme, et sur un universalisme confisqué par les puissants, à peine audibles en son temps, ne cessent de nous atteindre et de nous concerner.

L'auteur des Damnés de la terre a produit une oeuvre "irrecevable". Son propre parcours ne l'était pas moins et la manière dont il s'interrogeait sur "la culture dite d'origine", sur le regard de l'autre et sur la honte n'a pas toujours été reconnue.

Née à Alger d'une famille juive, Alice Cherki a participé à la lutte pour l'indépendance. Psychiatre et psychanalyste, elle est coauteur de deux ouvrages, Retour à Lacan? (Fayard, 1981) et les Juifs d'Algérie (Éditions du Scribe, 1987).

Elle animera un symposium: "Les enjeux psychiques des silences de l'histoire"

   Suite