SOCIETE FRANCO-ALGERIENNE DE PSYCHIATRIE

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VENDREDI 3 octobre 2003

08h00-09h00     Accueil

09h00-09h05     Allocution de bienvenue : Mr Louis Omnes, Directeur Général de l'HEGP

09h05-09h15     Introduction du Président du congrès : Professeur Frédéric Rouillon

09h15-9h30     Allocution de Monsieur Mohammed Bedjaoui (Président du Conseil Constitutionnel, ancien Président de la Cour Internationale de Justice)

09h30-10h00     Communication: Monsieur Benjamin Stora, Professeur d'histoire du Maghreb à l'INALCO 

    Titre: "France - Algérie : de la mémoire à l'histoire"

10h00-10h30     Communication: Professeur Louis Crocq, psychiatre

    Titre : "Fausse mémoire et syndrome de répétition"

10h30-10h45     Discussion coordonnée par Pr F. Rouillon

10h45-11h00 Pause

11h00-11h30     Communication: Mme Maïssa Bey, Ecrivain

    Titre: "Les cicatrices de l’histoire"

11h30-12h00     Communication: Mme Marie-Odile Godard, Maître de Conférence, Université de Picardie

    Titre : "Mémoire d’Algérie, rêves et fond d’horreur"

12h00-12h30     Discussion, coordonnée par Pr H. Lôo

12h30-13h30     Déjeuner

13h30-15h00     Symposia

Premier symposium organisé par Alice Cherki: "Les enjeux psychiques des silences de l'histoire", avec Alice Cherki, Olivier Douville (Psychanalyste, Maître de conférence, Directeur de publication de la revue Psychologie Clinique

Deuxième symposium organisé par Dr Louis Jehel , Coordonnateur, ( Unité de Psychiatrie et Psychotraumatisme) et Dr Christian Navarre, Modérateur (Psychiatre, Centre Hospitalier du Rouvray à Rouen ): "Psychotraumatisme et actes de terrorisme". 1/ Facteurs prédictifs de stress post-traumatique auprès de victimes de terrorisme (L. Jehel), 2/ La dissociation péritraumatique comme ultime recours face au terrorisme (Clara Duchet, psychologue), 3/ Approche cognitivo-comportementale d'un cas de psychotraumatisme chez une victime d'acte terroriste (Nathalie Camart, psychologue)

Troisième symposium organisé par Dr Patrice Louville (Consultation de Psychotraumatisme-Maltraitance, Hôpital Corentin Celton) et Dr Stéphane Mouchabac (hôpital Saint Antoine) "Psychotraumatisme, mémoire et cognitions"

15h00-15h15     Pause

15h15-15h45     Communication: Professeur Mohamed Boudef (Chef de service, Annaba)

    Titre :"Modélisation de l'état de stress post-traumatique"

15h45-16h15     Communication: Professeur Patrice Boyer, CNRS UMR 7593 (Hôpital Salpetrière)

    Titre :  « Traumatisme psychique et troubles de la mémoire: une approche neurobiologique »

16h15-16h30     Discussion, coordonnée par Pr J.M. Azorin (Marseille)

16h30-16h45     Pause

16h45-17h15     Communication: Professeur Nadir Marouf, Docteur en Lettres, Docteur en Droit, Professeur en Anthropologie, Directeur du CEFRESS

    Titre : " Mémoire des traumatisme, traumatisme des mémoires: à propos de violences durant la guerre d'indépendance, choses vues, choses entendues, choses subies."

17h15-17h05     Communication: Dr Mohamed Chakali, Psychiatre (Alger)

    Titre : « Frantz Fanon et le psychotraumatisme »

17h05-17h15     Discussion coordonnée par le Pr M. Tedjiza (Alger)

 

Fin de la première journée

SAMEDI 4 octobre 2003

08h30-09h30     Accueil

09h30-10h00     Communication: Dr Serge Bornstein, Neuro-Psychiatre, Expert agréé près le Bureau de la Cour de Cassation, Chargé de cour à la Faculté de Médecine Paris-Sud

    Titre : "Approche expertale du psychotraumatisme de guerre. »

10h00-10h30     Communication: Docteur Tahar Absi, Professeur de psychologie et des Sciences de l’Education. Université d’Alger. Président du colloque sur la présence des religions monothéistes en Algérie (UNESCO, janvier 2003)

    Titre: "Impact de la mémoire traumatique individuelle et collective sur l’écriture de l’histoire."

10h30-10h45     Discussion, coordonnée par Pr S. Consoli (Paris)

10h45-11h00     Pause

11h00-11h30     Communication: Zahia Rahmani, écrivain, enseigne l'histoire de l'art

    Titre: " L'écriture du déterrement"

11h30-12h00     Communication: Eric Savarèse, Docteur en Science Politique, Maître de Conférence à l'université de Perpignan

    Titre : "Entre guerre des mémoires et mémoire des guerres. A propos des militants associatifs Pieds-Noirs"

12h00-12h15     Discussion, coordonnée par Omar Calier, Professeur d'histoire à l'Université Paris I

12h15-13h30     Déjeuner

13h30-15h00     Symposia

Quatième symposium organisé par le Pr Mohammed. Boudef, "Violence, toxicomanie et comportement suicidaire" avec les Dr Labidi, Zeghib (Annaba), Ph. Carette (Paris) et B. Riff (Lille)

Cinquième symposium organisé par le Pr Farid Kacha "Les psycho-traumatismes". 1/ Quand les émotions manquent d'air "e" (Dr D. Benmessaoud, Alger), 2/ Famille, guerre et génération (Dr A. Aït Ameur, Alger), 3/Rescapé de l'enfer (Dr K. Ammar, Alger), 4/ Organiser la prise en charge (Dr M. Chakali, Blida), 5/ Stress en milieu sub saharien (dr F. Bouchène, Laghouat).

Sixième symposium organisé par le Pr Marie-Rose Moro " La psychiatrie coloniale en Algérie », coordonnateur : Dr T. Ferradji. 1/ De la psychiatrie coloniale à la psychiatrie transculturelle (Pr M. R. Moro), 2/ L’homme maghrébin dans les écrits psychiatriques (Dr Berthelier), 3/ La représentation de la femme algérienne dans la psychiatrie coloniale (Dr K. Marrois), 4/ L’Ecole d’Alger ou la transmission forclose (Dr T. Ferradji), 5/ La psychiatrie coloniale (Dr H. Herbane, Djelfa)

15h00-15h15     Pause

15h15-15h45     Communication: Claire Mauss-Copeaux, agrégée d'Histoire, Chercheur au CNRS et au GREMMO

    Titre : « Souffrance, mémoires et histoire d'Algérie »

15h45-16h05     Communication: Professeur Abderahmane Belaïd, Dr Nacéra Moussi, Dr Ferrou Daïdj, Pr Farid Kacha, hôpital M. Boucebci, (Alger)

    Titre: "Mémoire et souffrance"

16h05-16h20     Discussion, coordonnée par Pr F. Kacha (Alger)

16h20-16h35     Pause

16h35-16h55     Communication: Sylvaine Artero, Isabelle Beluche, Jean-Phillipe Boulenger, Karen Ritchie INSERM : E 0361 (Montpellier)

    Titre : Prévalence des troubles psychiatriques dans une population âgée exposées aux psycho-traumatismes de la guerre d’Algérie : l’étude ESPRIT’

16h55-17h25     Communication : Pr Slimane Medhar, Professeur à l’Université d’Alger

    Titre : « Le traumatisme culturel de la colonisation »

17h25-17h45     Communication : Docteur Hakima Souki, Maître-assistante en psychiatrie (Alger)

    Titre : « Les aspects culturels dans l’expression du psychotraumatisme »

17h45-18h00     Discussion générale et conclusions du congrès coordonnée par le Pr F. Rouillon

Fin du congrès

Auteurs et interventions

 

Benjamin Stora (Professeur d'histoire du Maghreb à l'INALCO)

France-Algérie : De la mémoire à l'histoire. Le difficile consensus des mémoires autour de la guerre d'indépendance algérienne,

Beaucoup de choses ont été dites et écrites en Algérie et en France, entre 1999 et 2002, sur la question des enjeux de mémoire autour de la guerre d'Algérie. Parmi cette véritable explosion mémorielle, marqué par une série de publications d'articles de presse et de livres de témoignages, il y eut le vote à l'Assemblée Nationale française, d'une proposition de loi visant à la reconnaissance du terme de " guerre " pour qualifier les évènements advenus en Algérie entre 1954 et 1962. De nombreuses polémiques lui ont fait suite, dont le point culminant fut sans doute la parution du livre du général Aussaresses, qui a déclaré avoir assassiné des leaders du nationalisme algérien. En Algérie, une violente polémique a éclaté à l'été 2002 à propos des conditions de l'assassinat en 1957 d'Abane Ramdane, un important dirigeant du FLN tué par ses compagnons d'armes. Dans la seule année 2001, de nouveaux lieux de mémoire en France attachés à la guerre d'Algérie sont apparus : la plaque apposée sur le pont Saint-Michel à la mémoire des victimes algériennes de la manifestation du 17 octobre 1961, une stèle a été inauguré en plein centre de Paris par Jacques Chirac, le président de la République, à la mémoire des 25 000 soldats français morts en Algérie. En Algérie, le président Abdelaziz Bouteflika a décidé de donner des noms de dirigeant, longtemps mis au secret de l'histoire officielle, à des aéroports algériens (Messali Hadj, Mohamed Khider, Mohamed Boudiaf). Il n'est plus possible d'aborder aujourd'hui la question des enjeux de mémoire en termes d'occultation comme je l'avais fait en 1991 dans mon ouvrage La gangrène et l'oubli . Quelles sont les nouvelles problématiques concernant le rapport de la mémoire à l'histoire ? Quelles sont les nouvelles formes de mise en mémoire, et d'écriture de l'histoire autour de la guerre d'indépendance en Algérie, en France ? Et pourquoi est-il si difficile de construire un consensus mémoriel autour de cette séquence brûlante entre les deux pays, la France et l'Algérie?

Claire Mauss-Copeaux, agrégée d'histoire, est chercheur au CNRS à Lyon et au GREMMO (Groupe de Recherches et d'Etudes sur la Méditerranée et le Moyen-Orient).

Souffrance, mémoires et histoire d'Algérie.

Les récits les plus anciens de l'histoire de l'humanité font de la guerre l'événement par excellence et décrivent longuement la souffrance de quelques héros exemplaires choisis parmi les combattants. En Occident, en France aussi, l'histoire-bataille, les "grands" événements, bénéficient de la faveur des historiens mais leur approche n'est pas un sujet à part entière.

Dans un premier temps je m'attacherai à préciser les obstacles culturels, sociaux et politiques qui se sont opposés et s'opposent encore à l'évocation et à la prise en compte de la souffrance des combattants. J'évaluerai ensuite les informations que les vétérans donnent sur la violence de la guerre, sur les sentiments qu'ils ont éprouvés ou éprouvent encore aujourd'hui. L'analyse des différentes situations d'énonciation, du discours lui-même avec ses oublis et ses occultations me permettra de compléter et d'affiner, pour reprendre l'expression de G. Dumézil, ces "Heurs et malheurs du guerrier".

Pour conclure, je m'interrogerai sur les implications de ce travail de deuil partagé où interviennent à la fois la mémoire et l'histoire ainsi que sur les enjeux de la reconnaissance (instrumentalisation de la souffrance et victimisation des combattants)

Sylvaine Artero, Isabelle Beluche, Jean-Phillipe Boulenger, Karen Ritchie (INSERM, Montpellier)

Prévalence des troubles psychiatriques dans une population âgée exposée aux psycho-traumatismes de la guerre d’Algérie : l'Etude ESPRIT

L’étude ESPRIT (Etude épidémiologique de l’Etat de santé mentale des personnes âgées en France ) est la plus grande étude des troubles mentaux réalisées dans une population française qui permet d’établir une base de donnée unique en épidémiologie psychiatrique. Cette étude réalisée depuis 1999 à partir de 1863 personnes âgées de 65 ans et plus représentatives du district de Montpellier est composée d’environ un tiers de personnes rapatriées d’Algérie ou ayant directement participé à cette guerre. Cette étude représente donc une opportunité unique d’évaluer les troubles mentaux dans une population exposée aux psycho-traumatismes de la guerre d’Algérie et de comparer ces prévalences à une population âgée témoin.

Méthode : La passation d‘un questionnaire psychiatrique : le MINI (Mini International Neuropsychiatric Interview (version francaise 5.00)) a été effectué sur notre population. Il s’agit d’un entretien diagnostic structuré construit sur un système algorithmique qui explore les principaux troubles psychiatriques de l’axe I du DSM-IV et permet d’évaluer la présence de troubles psychiatriques actuels et sur la vie entière. En parallèle d‘autres données concernant les événement de vie ainsi que des données cliniques ont été collectés. Tous les participants ont également passé un examen neurologique.

Marie-Odile Godard, Maître de Conférences à l’Université de Picardie - Jules Verne

Mémoire d’Algérie, Rêves et Fond d’horreur.

Appelées pour leur service militaire, de jeunes recrues étrangères à l’armée furent envoyées dans une contrée méconnue: l’Algérie. Ils avaient tous été reconnus aptes à supporter la guerre lors d’une visite d’incorporation. Cependant, tous ceux que j’ai rencontrés en sont restés marqués, traumatisés. Depuis leur retour, ils ont toujours souffert, mais ils ne savent pas qu’ils souffraient de là bas. Le jour, ils arrivent à oublier, mais la nuit, dans les rêves traumatiques, tout revient. Comparée au moment du traumatisme, la situation du rêve a ceci de différent que le traumatisé, lors de cet événement, n’est pas seul. Mais lors des cauchemars et des rêves traumatiques, après la reproduction de l’image, de l’action, il est seul et se sent seul responsable. Introduire un tiers dans cette configuration peut l’empêcher de tomber dans la folie. Nous étudierons comment, nuit après nuit, s’est constitué pour chacun d’eux un fond d’horreur partagé auquel il font continuellement référence. Ce fond d’horreur constitué de mots, d’images, de cris, d’odeurs, leur sert à exprimer tout ce qu’ils ont à dire, tout ce qu’ils ressentent. Leur vie psychique se réorganise autour de lui.

Maïssa Bey, écrivain

Les cicatrices de l'histoire

Mon intervention portera sur la difficulté de mettre en mots une scène que l'on n'a pas vécue mais qui est fondamentale dans la mémoire et l'imaginaire. Ci-joint un passage de ce texte :

"J'ai longtemps, très longtemps hésité avant d'écrire, non pas sur la guerre, mais sur ce qui m'apparaît à moi comme un questionnement fondamental : le bouleversement profond, total, irrémédiable et irrémissible que représente une guerre dans la vie de ceux qui la font, qui la subissent (directement ou indirectement) et qui en portent à jamais les séquelles, séquelles qui ne s'effacent pas avec un cessez-le-feu ou des traités ou des accords de paix. J'ai longtemps hésité parce que je ne voulais pas, qu'à l'instar de beaucoup d'écrivains de mon pays ou d'ailleurs, mon travail d'écriture soit centré sur la déploration et/ou la célébration d'un passé forcément glorieux élevé au rang de mythe qui détermine tout le devenir des générations suivantes. Et c'est peut-être plus cela qui m'a poussée à revenir sur une part de mon histoire que le désir de ne plus différer le moment de la confrontation. Il y a aussi bien entendu un cheminement individuel, une quête qui ne peut aboutir que si l'on prend le temps de rassembler tous les fragments qui constituent notre propre histoire.

Besoin de commémoration – au sens de "se souvenir ensemble", d'associer le lecteur au souvenir – besoin d'élucidation, d'évocation d'une histoire qui ne serait pas falsifiée ou déformée par la mémoire, par la mémoire des autres, par la mienne aussi. Parce que lorsqu'on veut convoquer les souvenirs, surtout lorsqu'il s'agit de souvenirs d'enfance, on s'aperçoit souvent qu'on a tendance à confondre ce que d'autres nous ont raconté avec ce que nous avons vraiment vécu. La prégnance des images surajoutées fait souvent obstacle à la restitution. Et c'est alors qu'intervient l'imaginaire.

Approcher le plus possible, par la re-création, d'instants que l'on n'a pas vécus. Mais qui ont forgé tout notre être, toute notre conscience du monde. Des images fantasmées d'une scène "engrammée" que je n'hésite pas à qualifier de scène primitive. C'est cela que j'ai tenté de faire dans mon dernier livre: "Entendez vous dans les montagnes". Une sorte de reconstitution au sens policier du terme. "

Auteur de : "Entendez-vous dans les montagnes..." Editions de l'Aube, éditions Barzakh, 2002

Zahia Rahmani, écrivain, enseigne l'histoire d l'art

MOZE ou l'écriture du déterrement :commentaires sur la construction d'un récit littéraire.

"Faut-il rendre justice à Moze ? Que peut-on lui rendre ? Que lui a-t-on pris ? Sa vie, sa liberté, ses biens, son honneur ? Peut-on les lui rendre? Que lui a-t-on fait? On l'a désarmé, abandonné? On lui a menti? On l'a utilisé, exploité, méprisé ? On ne peut lui rendre. et que peut-on me rendre? Il va falloir trouver. Me donner ce qu'on ne peut me rendre. Moze était mon père, un père que je n'ai pas eu. un père qui ne l'était pas. Maintenant qu'il est mort, serait-il devenu martyr? Moze avait honte de ce pays. encore plus que pour lui".

MOZE est un livre consacré à une figure militaire contemporaine issue des guerres d'émancipations des peuples colonisés : le supplétif. Le contexte est celui de la guerre d'Algérie, Moze a été un « acteur » de cette guerre, puisqu'il a été recensé comme soldat français musulman de l'armée d'occupation, un harki. A partir d'un fait réel : le suicide en France, le 11 novembre 1991 de cet homme, - Moze s'est rendu devant le monument aux morts. Il a salué les hommes qui étaient là. Ensuite il s'est noyé. Moze était mon père - j'ai tenté par l'écriture d'un récit de rendre compte de la signification historique, politique et " esthétique " de son geste.

L'avènement de ce texte relève d'une expérience littéraire enserrée dans une pratique analytique. C'est par cette double expérience que l'écriture de MOZE est parvenue. C'est de ces deux expériences qui sont " parties prenantes " et que je ne peux défaire l'une de l'autre, dont je témoigne.

Il sera donc ici question de la disposition analytique, - du travail "de déterrement " - parallèle à l'écriture de Moze. J'entends par déterrement tout le travail préalable à la construction de ce récit littéraire. Tout témoignage nécessite une double écriture. Ce qui a été déterré doit être consigné. Le déterrement, sa trace, peut-être multiple : rêve, propos recueillis, archives, idées survenues, notes sur l'état de soi ou la pratique de l'écriture automatique... Ces formes, peuvent être glissées dans le texte en leur état premier ou pris dans une autre expression, plus distancée et plus constitutive de sens : la littérature.

Le déterrement dont je parle ne renvoie pas à l'acte physique qui consisterais à soulever avec une pelle un morceau de terre que l'on dépose à proximité tout en laissant apparaître un trou. Mais cette acte peut servir de métaphore : le geste qui soulève serait l'ensemble animé, agité même par la pratique analytique et la terre soulevée et qui est en reste, est le fonds, la matière qui sert à combler le trou qui est la vacance de l'être mort et disparu sur lequel on - parle - écrit.

Auteur de "Moze", Sabine Wespieser Editeur. Mars 2003: Si la littérature ne fera pas le compte de la guerre d'Algérie, ce livre dit pourtant la fabrique de cet homme-là : le colonialisme et ses excès, l'ignorance et le mépris, l'absurdité tragique d'une situation et en toute fin la bêtise des hommes. Par-delà le témoignage, par-delà l'évocation d'une famille marquée par une existence solitaire, l'écriture de Zahia Rahmani, magistralement tendue, concise et pudique, convoque une déchirure, un doute, une plainte, d'une vérité bouleversante. Moze nous parle de tous les laissés-pour-compte de l'histoire et de la douloureuse difficulté d'en assumer la filiation. De l'impossibilité d'échapper à ses pères.

 

Eric Savarese , Maître de Conférence en Science Politique à l'Université de Perpignan. Ses travaux portent sur les questions relatives à la légitimation de la colonisation, à la nationalité, à l'immigration. L'invention des Pieds - Noirs (Paris, Séguier, 2002) est son dernier ouvrage

Entre guerres de mémoires et mémoires de guerre. A propos des militants associatifs Pieds – Noirs.

Le terme de Pieds - Noirs ne désigne les anciens Français d'Algérie qu'à partir de 1954, soit au moment du déclenchement de la guerre d'indépendance, lorsque les anciens "Français Musulmans" se proclament "Algériens". C'est donc essentiellement dans l'ancienne métropole que le terme de Pieds - Noirs a pu être utilisé pour désigner près d'un million d'individus ayant quitté l'Algérie au moment de son indépendance. Au moment où ils quittent l'Algérie, les Pieds - Noirs ne constituent pas, à proprement parler, un groupe homogène, et l'examen de l'énorme littérature publiée dans l'exil montre à quel point les clivages, notamment en matière de perception de l'histoire coloniale et de la guerre d'Algérie, sont nombreux. D'où l'enjeu, pour les militants associatifs, de valoriser une mémoire dont la promotion participe à l'élaboration d'une véritable stratégie identitaire : c'est pour construire un groupe influent que les militants contribuent à le produire en participant aux guerres de mémoires algériennes qui les opposent, parmi d'autres, aux "anciens combattants", aux "porteurs de valises", aux "immigrés", etc... Cet investissement dans des guerres de mémoires doit également être associé à l'analyse de mémoires de guerre qui parfois agissent, aujourd'hui encore, sur les perceptions du phénomène de l'immigration. En revivant le souvenir d'un conflit ou l'ennemi n'est pas clairement distingué des Français Musulmans qui partagent le quotidien des Français d'Algérie, des Pieds - Noirs semblent projeter sur la situation actuelle des peurs nées pendant la guerre d'Algérie. L' impossible différenciation entre l'image du "fellaga" et celle, fortement ambivalente, de "l'Arabe", nourrit aujourd'hui encore la construction d'un discours sur l'Autre qui renvoie aux traumatismes liées à la guerre d'Algérie.

Nadir Marouf : Docteur en Lettres, Docteur en Droit. Professeur en anthropologie à l'Université de Picardie. Directeur du Centre d'Etudes, de Formation et de Recherche en Sciences Sociales (CEFRESS)

Nadir Marouf a rejoint le maquis durant la guerre d'Algérie alors qu'il n'était qu'un jeune adolescent. Il a ainsi connu la prison et la torture. Il retracera le vécu de l'adolescent plongé brutalement dans les horreurs de la guerre et témoignera de toute l'acuité de la mémoire traumatique et des souvenirs régulièrement revisités dans l'intimité de la solitude.

Mémoire des traumatismes, traumatisme des mémoires : à propos de violences durant la guerre d'indépendance, choses vues, choses entendues, choses subies.

Le souvenir de la guerre s'opère par sensualisme épisodique, latent ou discontinu, rémanent ou provoqué par une rencontre inopinée avec un ami de jadis ou un film sur l'Algérie. Les tentatives, tout à fait récentes d'exorciser par l'écriture ce souvenir de l'adolescence, calent devant une ambivalence implacable entre une posture de "divan" (jamais réalisée) et une posture de distanciation critique (avortée à peine commencée).

Docteur Tahar Absi, Professeur de psychologie et des Sciences de l’Education (université d'Alger). Président du colloque sur la présence des religions monothéistes en Algérie à travers les âges. (Janvier 2003, UNESCO, Paris)

"Impact de la mémoire traumatique individuelle et collective sur l’écriture de l’histoire."

L’écriture de l’histoire d’un pays à une période donnée est conditionnée à la fois par les documents de l’époque et les témoignages recueillis.

Si la guerre d’Algérie est vécue des deux côté de la mer Méditerranée par les communautés algériennes et françaises comme un drame, la violence qui s’y rattache est souvent décrite par les deux parties comme la conséquence légitime d’une autre violence. Elle devient ainsi un moyen de masquer la réalité et quelquefois de la déformer.

Il est important de souligner que la guerre qui engendre la violence ou la violence qui engendre la guerre, bouleversent les rapports sociaux, réduisent le raisonnement des personnes, inhibent les valeurs morales universelles et rendent l’individu incapable de discerner le vrai du faux.

Certains témoignages qui mettent l’accent sur des événements grossis à la puissance (n), dans le cadre de confessions médiatiques euphoriques, dénotent une activité mentale déréglée et le désir inconscient de paraître sous l’habit de héros. Ceci donne à leurs témoignages une portée très relative au point d’être considérés comme fantaisistes. Les mass- médias algériens des années de l’indépendance de l’Algérie se sont servis de cet état post traumatique de notre société pour renforcer les options du pouvoir politique et influer ainsi indirectement sur l’écriture de l’histoire.

Serge Bornstein : Neuro-Psychiatre, Expert inscrit sur la Liste Nationale, agréé près le Bureau de la Cour de Cassation, Responsable du Diplôme de Psychiatrie Légale à la Faculté de Médecine de Paris-Sud.

" Approche expertale du psychotraumatisme de guerre "

A la suite des travaux de C. Barrois, S. Bornstein , B. Sigg, la névrose traumatique a fait son entrée dans la grand barème des pensions militaires et des victimes de la guerre d'Algérie.
Cette notion avait été réactualisée par l'étude des pathologies des véterans US du Vietnam alors qu'elle ne figurait dans aucun manuel et bien qu'entrevue par Freud au début du XX ème siècle.
Depuis lors et sous l'impulsion du DSM IV (PTSD), la symptomatologie est bien codifiée, pouvant donner matière à réparation et surtout à une prise en charge efficace.