SOCIETE FRANCO-ALGERIENNE DE PSYCHIATRIE |
Etude interculturelle de la Schizophrénie. Comparaison de patients français autochtones et maghrébins de seconde génération* M.
TALEB, F. ROUILLON, F. PETITJEAN, Ph. GORWOOD INTRODUCTION Si l'étude interculturelle des troubles psychotiques est ancienne (1), elle fut longtemps l'objet d'élaborations théoriques au détriment des approches épidémiologiques interculturelles qui constituent pourtant un des abords essentiels à la compréhension de l'influence culturelle sur le processus schizophrénique. Elles supposent la réalisation d'études rigoureuses (2) et l'utilisation d'outils permettant une fiabilité des comparaisons (critères diagnostiques, techniques de recueil des données, échelles d'évaluation psychopathologique...). De très nombreuses stratégies de recherche ont été utilisées pour l'approche transculturelle des troubles mentaux. Parmi cette hétérogénéité méthodologique, il convient de souligner que le recueil de données peut se faire au niveau de centres géographiquement différents ou à partir de populations de cultures différentes vivant dans le même environnement social et économique (3). Cette dernière situation est réalisable du fait de l'implantation dans certains pays de populations immigrées d'origines ethno-culturelles différentes de celle du pays d'accueil.
L'implantation
en France d'une population d'origine maghrébine est une des situations
susceptibles d'intéresser le chercheur pour des études comparatives. En effet,
depuis quelques années l'intérêt des psychiatres s'est déplacé des migrants
(4, 5, 6) vers les générations issues de la migration (7, 8, 9). Les sujets
dits "de seconde génération" donnent l'occasion d'entreprendre des
études comparatives intéressantes à plus d'un titre. Ils ont en principe accès
aux même structures de soins que les autochtones et peuvent, par exemple, être
évalués avec les mêmes instruments de mesure sans que se pose le problème de
la barrière linguistique.
On entend par Maghrébins "de seconde génération" les enfants
nés de parents ayant migré des pays du Maghreb vers la France et y résidant
encore (10). La plupart d'entre eux sont de nationalité française. On les
appelle également les générations issues de l'immigration, les enfants de la
transplantation, les maghrébins de France, les français d'origine maghrébine,
les enfants post migrants, les enfants de la transculture et plus récemment les
"Beurs". Ces différentes appellations traduisent une difficulté
certaine à définir d'une manière précise cette population. Leurs parents
sont originaires des pays du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie) et se sont
principalement installés en France à la suite du flux migratoire des années
soixante. La plupart de ces enfants sont nés en France ou s'y sont installés
très jeunes. Le recensement de 1982 (8) estimait la population d'origine maghrébine,
vivant en France, à prés de 1 800 000 personnes dont plus de 400 0000
adolescents.
Rappelons, enfin, que les pays du Maghreb sont relativement homogènes
sur le plan ethno-culturel et social: on y parle les mêmes langues (arabe ou
berbère), la religion musulmane y est prédominante, leur histoire et leurs
origines sont communes, les modes de vie et les structures sociales y sont
similaires... La situation en France des immigrés originaires de ces pays est
également identique. Vivant pour la plupart, dans les mêmes ensembles sociaux,
occupant des situations professionnelles et économiques comparables, ils
subissent les mêmes difficultés de l'existence.
De nombreux auteurs se sont récemment interrogés sur l'identité des
maghrébins de deuxième génération. Si cette question fait encore l'objet de
débats, nous pouvons néanmoins repérer trois éléments essentiels qui caractérisent
ces sujets : • Ils sont issus de familles de migrants mais ne sont pas migrants eux-mêmes; ils sont nés e |