Les représentations sociales du suicide à Oran

Un Groupe de recherche sur le suicide (GRASC), travaillant au centre hospitalo-universitaire d'Oran, depuis 2002, autour du thème « Représentations sociales du suicide à Oran », a abouti à des résultats pouvant intéresser beaucoup de spécialistes de la question.

L'enquête menée par les quatre membres, composant le groupe, a concerné un échantillon de 400 patients accueillis au service des urgences médico-chirurgicales (UMC) de l'hôpital d'Oran. Les personnes interrogées sont de différents âges, sexes et niveau socio-culturel, et jugées les plus en contact avec le suicide. 208 personnes sont des femmes dont 41 ont pensé au suicide, les 192 personnes restantes sont des hommes dont 24 ont pensé mettre fin à leurs jours. Sur un total de 65 patients, qui ont pensé au suicide, les enquêteurs ont enregistré un taux de 38% qui sont passés à l'acte. 12% sont des chômeurs et 21% des étudiants, les autres qui ne sont pas passés à l'acte mettent en avant les arguments du genre : « J'ai peur de Dieu » ; « J'ai peur pour mes parents » ou « La vie est, malgré tout, belle. » Mais pourquoi se suicide-t-on ? Selon les résultats de l'enquête, 17,3% des femmes se justifient par « les difficultés de la vie combinées à la tristesse et au désespoir » contre seulement 12% des hommes. Ces derniers (17,7% d'entre eux contre 10% des femmes) mettent en avant les problèmes de communication. Les conclusions de l'enquête concernant cette question montrent que les raisons du suicide chez l'homme sont liées aux difficultés matérielles et professionnelles, alors que chez la femme, on se penche vers le côté relationnel et affectif. « C'est presque une caractéristique de représentation sociale du suicide où l'homme semble préoccupé par les problèmes matériels et la femme par les problèmes relationnels », peut-on lire dans le document du travail d'enquête qui se poursuit toujours à Oran. La représentation sociale du suicide à Oran ne diffère pas des autres régions. Selon docteur Sebaâ, « la plupart des interrogés sont pour l'idée que "le suicide est une fuite de la réalité" ». 21% considèrent que l'acte du suicide est un crime. 50% des réponses sont d'un niveau coranique, alors que 40% ne sont d'aucun niveau. Les chercheurs déclarent que « l'interprétation coranique du suicide s'amenuise, lorsque le niveau scolaire est très haut. » Souvent, la conception coranique ou religieuse n'est jamais absente.

Qui se suicide le plus ?

Toujours selon les résultats de l'enquête du GRASC, 25% des femmes et 26% des hommes pensent que ce sont les adultes qui se donnent la mort, contre 31% des femmes et 31,7% des hommes qui estiment que ce sont plutôt les adolescents qui mettent fin à leurs jours. Le nombre de tentatives de suicide (508 cas) enregistrées durant l'année 2003 aux UMC d'Oran donne un taux de 70% de femmes et 30% d'hommes qui ont attenté à leur vie. Un chiffre en hausse par rapport à celui de l'année 2001 où l'on a enregistré seulement 295 cas de tentatives de suicide. Les personnes âgées entre 16 et 30 présentent le plus gros chiffre des candidats au suicide. Le sentiment de solitude, les conditions sociales et l'incompréhension de l'entourage ont poussé ces personnes à commettre l'irréparable. « Les politiques doivent prendre en charge le phénomène du suicide, en se rapprochant un peu plus des jeunes, souvent désorientés, parce qu'ils ont peur de l'avenir », conclut docteur Sebaâ.

Lyès Menacer
El Watan
22 Mai 2005