Lutte et prévention contre les addictions aux drogues

Oran en première ligne

Par : D. LOUKIL

 

La faculté de médecine d’Oran sera la première à l’échelle nationale à dispenser prochainement l'enseignement d’un CES d’addictologie, comme annoncé lors du dernier congrès de la Société franco-algérienne de psychiatrie (SFAP) qui s’est déroulé récemment à Oran.

Cette annonce vient concrétiser les efforts des psychiatres et de la SFAP qui ne cessent, ces dernières années, d’appeler à une politique de prévention en matière de lutte contre les drogues. “Cela doit passer, entre autres, par l’amélioration de la formation des différents acteurs agissant sur le terrain afin de leur donner tous les outils nécessaires pour soigner et prévenir”, nous dira le président de la SFAP, le Dr Mohamed Taleb, d’où cette initiative de la Faculté de médecine. L’urgence est bien réelle, car le cannabis, les psychotropes, le subutex, l’héroïne, la cocaïne et le crack représentent la palette de drogues que l’on retrouve en Algérie et qui sont donc consommées, prouvant ainsi l’évolution très alarmante du trafic de ces substances dans la société. Un constat corroboré par les seules saisies de quantité de cannabis à l’échelle nationale, passant de 7 t en 1992, à 64 t en 2011. D’ailleurs, Dr Mohamed Taleb, dans un entretien accordé à Liberté, évoque un état des lieux qui interpelle tout un chacun : “Les saisies de drogue ne cessent d’augmenter, et quand on sait qu’elles ne représentent que 10% des quantités en circulation, il y a de quoi s’inquiéter.” Et de poursuivre : “Aujourd’hui en Algérie, toutes les drogues jusqu’ici méconnues ont fait leur apparition : crack, héroïne et autres substances psychoactives. Le sujet est très préoccupant et inquiétant, et il est urgent de mobiliser l’ensemble de la population.”
Dès lors, les politiques mises en place jusqu’ici par les pouvoirs publics, comme la création d’un Office de lutte contre la drogue, des structures intermédiaires de consultation et de désintoxication, ne sont plus suffisantes, estiment les psychiatres. Ces derniers reconnaissent néanmoins une prise de conscience au niveau des services de sécurité et des pouvoirs publics, mais, disent-ils, il faut aller plus loin désormais, “sinon nous allons nous faire déborder par le phénomène”, dira Dr Taleb. Parmi les autres recommandations évoquées, la création d’un observatoire national des drogues, qui sera chargé de récolter l’ensemble des données sur les drogues en circulation, mais surtout sur les consommateurs eux-mêmes, le type de drogue, la quantité, la fréquence, les conditions et les répercussions sur leur état de santé psychosocial, le profil des consommateurs. Néanmoins, les acteurs et autres spécialistes, toutes disciplines confondues, sont convaincus que la lutte contre le trafic de drogue restera insuffisante si, en matière de prévention, il n’y a pas de véritable engagement de l’ensemble des partenaires. Et de préconiser plus particulièrement des actions de prévention constante à l’adresse des jeunes, dans les établissements scolaires pour les préserver. “C’est la population la plus vulnérable, il faut préserver les jeunes”, avons-nous encore entendu avec insistance.

Journal Liberté 19 novembre 2012