Rencontre de psychiatres : l'angoisse reste indéfinissable

Louable geste que celui initié par l'Association pour la réhabilitation psycho-éducative infanto-juvénile (Arpeij) en organisant, hier, un séminaire à l'Institut national de santé publique (INSP) pour traiter du thème de l'angoisse.

Afin d'affronter l'angoisse, la dépasser et la surmonter, les psychiatres participants veulent partir de deux questions : qu'est-ce que l'angoisse et quelle en est la cause ? C'est ainsi que Mme Houria Chefaï, professeur en psychiatrie à l'hôpital Frantz Fanon de Blida, a fait un exposé pour tenter d'élucider ce phénomène. En dépit de sa tentative d'emprunter un sentier non battu, la conférencière n'a pu s'empêcher de recourir à l'usage des concepts de la peur et de l'anxiété et parfois de la crainte. « Parfois on fait, pour définir l'angoisse, une analogie avec la peur. Mais une peur sans objet », dira Mme Chefaï qui indique dans ce cas que l'angoisse est peut-être un sentiment et, donc, ne relève pas du « psychiatrique ». Puisant dans le dictionnaire Le Robert, le professeur de Blida ajoute que « l'angoisse implique l'imminence d'un danger », ce qui la distingue de l'anxiété. Même lecture pour Larousse, en indiquant dans sa définition de l'angoisse : « une grande inquiétude, anxiété profonde née du sentiment d'une menace imminente mais vague ». Poursuivant sa lecture, le professeur Chefaï classe l'angoisse dans la catégorie de l'impact et du sentiment. Cependant, fait remarquer l'oratrice, l'angoisse peut se ressentir devant un danger réel comme devant un danger imaginaire ou fictif. Le professeur de Frantz Fanon, qui se réfère à plusieurs auteurs, fait la distinction, au bout du compte, entre l'angoisse et la peur en expliquant que l'angoisse est un état tandis que la peur est une réaction. Sur un autre volet, la conférencière dira que l'angoisse a toujours un objet, une fonction en déclarant : « Cet objet peut être un manque de désirs par rapport au Moi ou au Surmoi ou encore un manque par rapport à l'être social. » Revenant à la facette de l'anxiété, Mme Chefaï conclura qu'il y a une anxiété normale et une anxiété pathologique. Interrogée sur la prédominance de l'angoisse dans la frange juvénile algérienne, le professeur l'explique par le sentiment de l'insécurité mais aussi par la recherche de la place et l'importance dans la société. Durant les débats, les psychiatres ont tenté, en vain, une définition finale et rigoureuse, puisque les concepts de la peur, l'anxiété et la colère reviennent comme des refrains autour du mot noyau : angoisse. Selon un psychiatre, il y a une bonne et une mauvaise angoisse : la première pousse l'individu à réfléchir et à se poser des questions, à l'instar des philosophes, et la seconde incite l'être à se refermer sur lui-même. Pour conclure, et après des siècles, l'angoisse attend toujours une définition tranchée. La rencontre d'hier a eu le mérite de dévoiler un phénomène qui guette des milliers de jeunes en Algérie à cause des mutations sociales que subit cette couche sociale, surtout que ce thème souffre d'un manque criant d'études et de débats.

Mustapha Rachidiou
El Watan
20 novembre 2005