Toxicomanie en Algérie : l'alerte est au rouge

La drogue a pris ces dernières années des proportions inquiétantes en Algérie. Les experts algériens qui planchent sur la lutte contre ce fléau disent même que notre pays est en passe de dépasser «la ligne rouge».

Au cours d'une journée d'étude sur «la lutte contre la drogue dans les milieux scolaires», organisée, hier à Alger, par la Fondation algérienne des droits de l'enfant et la Gendarmerie nationale, des experts, des pédagogues et des membres de la société civile ont longuement débattu des causes de l'accroissement du nombre de toxicomanes en Algérie. Selon les statistiques de la Gendarmerie nationale, pas moins de 10.750 affaires de trafic de stupéfiants ont été traitées durant ces dix dernières années. La Gendarmerie nationale a ainsi arrêté 19.136 personnes et saisi 21.087.079 kg de résine de cannabis, 27.884 plants de cannabis, 11 kg d'opium, 1,5 kg de cocaïne et 519.543 comprimés de psychotropes. Mais le phénomène le plus répandu est celui de l'inhalation des solvants organiques comme la colle, les aérosols, l'éther et l'acétone disponibles dans les magasins à des prix accessibles. La Fondation des droits de l'enfant a recensé, rien que dans la circonscription d'Alger, près de 150 jeunes qui s'adonnent à l'inhalation de ces produits. L'on ne dispose pas, cependant, du nombre exact qui s'adonne à la toxicomanie en Algérie.

Les responsables des académies, de l'association des parents d'élèves et de la Fondation des droits de l'enfant veulent surtout préserver les jeunes qui n'ont pas encore été touchés par le fléau. Mais le plus difficile pour eux est de faire passer le message aux jeunes des rues. D'autant plus que les facteurs incitant ces jeunes à se tourner vers la toxicomanie sont souvent liés à «l'injustice», au refoulement. Le directeur de la coopération nationale de l'Office national de lutte contre la drogue, M. Aïssa Kasmi, explique la hausse de la toxicomanie dans notre pays par le fait que «les privations peuvent pousser les extravertis à se battre, à extérioriser leur violence mais les introvertis voudront se faire du mal et se tourneront vers la drogue».
L'Office national de lutte contre la drogue, installé depuis deux années, a mis en place un plan qui devra s'étaler jusqu'à 2008 pour faire diminuer ce fléau en Algérie. La tâche n'est pas facile. La drogue représente un marché très juteux. Le chiffre d'affaires des barons de la drogue s'élève, selon M. Kasmi, à 500 millions de dollars. La drogue se place ainsi avant le marché du pétrole et juste après celui des armes. Il y a, en outre, plusieurs interconnections dans les réseaux de la drogue. «Elles sont, martèle M. Kasmi, inextricablement liées au trafic d'armes, trafic d'êtres humains, l'immigration clandestine et le terrorisme. On ne peut pas combattre la drogue sans combattre les autres phénomènes».
Le responsable de l'Office national de lutte contre la drogue soupçonne même certains gouvernements de tirer les ficelles du marché de la drogue. «La drogue est l'un des handicaps les plus sérieux au développement d'un pays. Ces réseaux travaillent avec des gouvernements pour casser un pays et quoi de mieux que la drogue pour briser un pays qui compte 80% de jeunes», soutient-il. Les conférenciers ont indiqué hier que sur 66.000 jeunes présentés devant le parquet pour des affaires de stupéfiants, 4,5% d'entre eux ont moins de 18 ans. Le phénomène de la toxicomanie en Algérie a, selon eux, dépassé toutes les limites.

Amel Blidi
Le Quotidien d'Oran
18 janvier 2005