Hommage à Djilali Liabes

Liabes

Feu le professeur Djillali LIABES est né en 1948 à Sidi Bel Abbés. Il a poursuivi ses études primaires et secondaires dans sa ville natale notamment au lycée Azza Abdelkader (ex lycée El Djala) où il a obtenu son baccalauréat en 1967 en série Lettres. Ses études supérieures à l'université d'Alger lui ont permis d'obtenir une licence en philosophie et en sciences sociales, il a obtenu son doctorat 3ème cycle et un doctorat d'état en littérature et sciences humaines.

Il a été désigné Ministre des Universités en 1991, puis ministre des universités et de la recherche scientifique en 1992. il a occupé par ailleurs le poste de ministre de l'éducation nationale par intérim de juin 1992 à octobre 1992. Nommé en octobre 1992 Directeur de l'Institut des Hautes Etudes Stratégiques Globales, il a présenté un rapport d'analyse sur les Perspectives de Développement de la Société algérienne.
Entre autres activités, il a présenté une conférence intitulée : Les pays du Tiers Monde et la Nouvelle Organisation Mondiale. Ses productions littéraires sont nombreuses.

Djillali LIABES est décédé le 16 mars 1993 à Kouba (Alger), suite à un attentat à la sortie de l'immeuble où il habitait. L'université de Sidi Bel Abbés porte fièrement son nom depuis 1996.


Commémoration de son assassinat en 1993

Liabès : dix ans déjà !

«Je tiens à vous raconter ce que nous avait dit un jour Liabès. Il nous avait parlé d'un rêve prémonitoire dans lequel il voyait l'Algérie à feu et à sang, il se voyait ministre, ensuite assassiné. " Mon enterrement sera comme celui de Boumediène mais en plus petit. Si ce dont j'ai rêvé devait m'arriver, il faut que je termine tout ce que j'ai entrepris ", nous avait-il dit. » Ceci est le témoignage d'une ancienne collègue de Djillali Liabès à l'époque où il travaillait au Centre de recherches et d'études appliquées en développement (Cread). Elle a tenu hier à le partager avec l'assistance présente aux deux journées d'étude organisées à la Bibliothèque nationale du Hamma pour commémorer le dixième anniversaire de son assassinat afin de « montrer dans quel esprit il se trouvait » les dernières années de sa vie. Une vie qu'il consacra au bien-être du pays et au service de la science, avant son assassinat devant son modeste domicile à Kouba, en 1993. Ses travaux se sont intéressés, entre autres, à la fin des années 1960, à l'aspect économique, précisément au secteur privé et aux entreprises publiques pour diriger, ensuite, et pendant quelques années, plusieurs études au niveau du Cread. Avant son dernier poste en qualité de directeur général de l'Institut national des études stratégiques et globales (INESG), il fut ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Mais, comme témoignera une autre collègue du Cread, Liabès était l'un des rares à allier une fonction officielle avec une autre pédagogique, en ce sens qu'il continuait ses travaux de recherche. Sa présence dans le « pouvoir » n'était autre qu'un prolongement de ses convictions personnelles et non point un quelconque intérêt pour la responsabilité, comme le témoignait si bien la modestie qui le caractérisait. Et c'est à ce titre qu'il fut président de la commission nationale 2005, installée en 1992 par les pouvoirs publics pour réfléchir sur le devenir du pays à cette échéance. L'idée d'organiser cet hommage, premier du genre, à la mémoire d'une des personnalités intellectuelles du pays ayant payé de leur vie le prix de leur engagement est venue d'un collectif de chercheurs et d'universitaires, notamment des sociologues, ayant connu le personnage et apprécié à sa juste valeur ce que représente aujourd'hui le riche patrimoine scientifique légué. Parce que sa vie a été consacrée à la réflexion et à la recherche, l'hommage qui a été rendu à Djillali Liabès allait plus dans le sens d'interventions thématiques et scientifiques que la simple évocation classique des mérites et des qualités du personnage. Ainsi, pour Amine Khan, expert à la Banque mondiale, ayant bien connu le défunt, c'est là l'occasion d'aborder la position des intellectuels algériens dans la crise depuis la guerre de Libération jusqu'à l'après- Octobre 1988.
« L'assassinat des intellectuels a réduit l'espace d'expression nécessaire à la vie et à la survie de la nation », a-t-il entre autres déclaré. « Liabès a parlé de sujets qui peuvent paraître banals dans d'autres pays mais qui posent problème en Algérie. Décortiquer les caractéristiques du système politique, la relation du politique avec l'économique », raconte Nacer Djabi, sociologue. Ce dernier insiste sur l'homme de terrain que fut Liabès qui ne se contentait pas d'idées stériles. Notons enfin la présence à cette rencontre de plusieurs personnalités, dont l'ex-Chef de gouvernement Ahmed Benbitour, des sociologues, tels Daho Djerbal et M. Kadri, l'économiste Ali El Kenz, qui doit intervenir aujourd'hui.

Mekioussa Chekir
Le Matin
16-03-2003

 


Hommage à Djilali Liabes

Rencontre internationale les 16 et 17 mars à Alger

En hommage à Djilali Liabès lâchement assassiné le 16 mars 1993, le CREAD organise avec le concours de la Faculté des sciences humaines, des sciences politiques et de Casbah Editions, une rencontre internationale à la mémoire du défunt chercheur et enseignant.

Cette rencontre, à l'occasion de laquelle prendront part des chercheurs de renom dont Ali El Kenz, Aïssa Kadri, Amine Khène, Daho Daho Djerbal, Mohamed Hachmaoui, Hartmut Elsenhans, Mohamed Benguerna et Rachid Sidi Boumedienne, Cherifa Hadjadj, etc..., aura lieu les 16 et 17 mars prochains à la Bibliothèque nationale d'Alger (Hamma). Djilali Liabès était ciblé par les hordes intégristes du fait de son appartenance à l'élite intellectuelle à laquelle les islamistes ne pardonnaient pas l'ouverture aux idées novatrices. Un nombre important d'intellectuels algériens feront d'ailleurs l'objet de ce processus de liquidation physique qui affaiblira considérablement le potentiel de réflexion et de recherche en Algérie. Même si elles furent brèves, les responsabilités scientifiques et politiques qu'il avait assumées ont fait école comme ce fut le cas à l'Institut national de stratégie globale (INESG) où il avait réussi à développer un espace d'analyses prospectives sur les changements socio-économiques de notre société en mutation. En tant que ministre de la Recherche scientifique, il fut le premier et malheureusement le dernier responsable du secteur à s'inquiéter de la fuite des cerveaux qui saignait gravement le pays, en diligentant une étude d'envergure qui parvint à cerner les véritables causes de la déperdition de cadres. Pour colmater les brèches, l'étude fera un certain nombre de recommandations qui ne seront, malheureusement, jamais appliquées. Mais c'est surtout par son riche itinéraire de scientifique et de chercheur que Djilali Liabès se distinguera. Ses travaux sont trop nombreux pour être retracés dans cet article, mais on retiendra tout particulièrement ses travaux novateurs sur le secteur privé algérien et ses perspicaces investigations sur les entrepreneurs qui ont ouvert la voie à la recherche sur les élites économiques qui émergent dans notre pays. Au moment où les entrepreneurs privés algériens tentent de s'imposer en tant qu'alternatives économique et politique, les travaux de Djilali Liabès, sont de notre avis, incontournables pour saisir la dynamique de l'entreprenariat privé et ses répercussions sur la société algérienne. La dizaine de conférences suivies de débats qui y seront données portent sur des thèmes particulièrement sensibles dont certains furent objet de recherches de Djilali Liabès tout au long de sa carrière à Aardes, à l'Institut des sciences politiques, au CREAD, au ministère de l'Enseignement supérieur et à l'INESG. Parmi ces thèmes de conférences, on peut citer entre autres : «Les intellectuels algériens dans la crise» de Amine Khène ; «Intellectuels sous influence» de Aïssa Kadri ; «Pour une sociologie du clientélisme» de Mohamed Hachmaoui ; «Les entrepreneurs algériens du malaise à l'émergence» de Mohamed Benguerna ; «Les années d'espoir de l'Ecole normale supérieure de Kouba» de Ali El Kenz.

El Watan
13 mars 2003

 


Hommage à Djilali Liabès

Des témoignages émouvants

La rencontre qui regroupe depuis dimanche des chercheurs, des scientifiques, des universitaires, des hommes politiques à la bibliothèque du Hamma à Alger en hommage au défunt chercheur et scientifique Djillali Liabès a été clôturée hier. Lors de cette deuxième journée, les amis et collègues de Liabès, à savoir Ali El Kenz, Tahar Kaci, Rachid Sidi Boumediène et Fatma Oussedik ont apporté des témoignages vivants et émouvants sur le vécu et sur la manière dont a été assassiné Liabès.

L'itinéraire universitaire du défunt comme celui de ses collègues, selon M. Sidi Boumediène, s'est accompli du domaine de la philosophie vers la sociologie. Pour mieux comprendre le parcours de Liabès, un témoignage visuel posthume a été diffusé par les organisateurs de cette manifestation. Ce film retrace la vie du scientifique lorsqu'il était enseignant, directeur du CREAD. Liabès, dira un des ses amis, était la force tranquille. «Il était modeste et humble, il avait toujours le sourire et gardait, quelle que soit la situation, son calme. Je ne l'ai jamais vu s'emporter contre quelqu'un. Ses étudiants l'estimaient beaucoup car il était disponible à n'importe quel moment et savait les écouter.» Un autre témoignage qui a ému la salle est celui de Rachid Sidi Boumediène. Il a souligné que le 16 mars 1993 restera gravé dans sa mémoire. «Aux environs de 7 h du matin, j'ai entendu des coups de feu. J'ai regardé par la fenêtre et j'ai vu Liabès étendu à même le sol, pas loin de la cité Ben Omar, à Kouba, là où nous résidions. J'ai accouru, mais c'était trop tard. Les assassins avaient visé juste. Transporté à l'hôpital Aïn Naâdja, l'homme décéda quelques minutes après.»A l'époque, tous les mardis un chercheur tombait sous les balles assassines de criminels intégristes. Mais Liabès et tant d'autres victimes ont toujours refusé de céder à l'intolérance armée. Ils ont malgré tout décidé de se battre. Les amis de Liabès n'ont pas omis également de relever au passage la détresse du chercheur qui ne bénéficie d'aucun avantage. «Nous n'avons pas un espace propre à nous pour pouvoir exprimer nos idées et réflexions. Nous n'avons pas d'association...», ont relevé les participants à cette rencontre.

El Watan
18 mars 2003